Les enfants zèbres
Les stades de développement de l’enfant
Quelle est l’appellation la mieux adaptée ?
Surdoué : ce terme est en cours d’abandon, car la plupart des enfants précoces ne sont pas forcément de très bons élèves. Cette appellation avait un côté péjoratif, considérant l’enfant comme meilleur que les autres.
EIP (Enfant Intellectuellement Précoce), ce terme n’est pas idéal, mais c’est celui retenu pour les rapports et textes de loi de l’Education Nationale. EIP sous-entend que ce sont des enfants qui savent tout faire avant la population générale, et qu’une fois tous les stades moteurs et scolaires atteints, ils se rejoindraient. Mais on reste EIP toute sa vie, le décalage reste présent même à l’âge adulte.
HP (à Haut Potentiel) ou HPI (à haut potentiel intellectuel) Cette appellation à l’avantage de prendre en compte une potentialité qui demande à être exploitée, mais qui ne l’est pas toujours.
Le « zèbre« , ce mot a été trouvé au début des années 2000 par la psychologue française Jeanne SIAUD-FACCHIN, spécialiste du surdouement, qui s’est beaucoup investie dans ce domaine depuis plusieurs années. Voici sa définition, tirée du livre « trop intelligent pour être heureux ? L’adulte surdoué ».
« Le zèbre, cet animal différent, cet équidé qui est le seul que l’homme ne peut apprivoiser, qui se distingue nettement des autres dans la savane tout en utilisant ses rayures pour se dissimuler, qui a besoin des autres pour vivre et prend un soin très important de ses petits, qui est tellement différent tout en étant pareil. Et puis, comme nos empreintes digitales, les rayures des zèbres sont uniques et leur permettre de se reconnaître entre eux. Chaque zèbre est différent.
Je continuerai à défendre tous ces gens « rayés » comme si ces rayures évoquaient aussi des coups de griffe que la vie peut leur donner. Je continuerai à leur expliquer que leurs rayures sont aussi de formidables particularités qui peuvent les sauver d’un grand nombre de pièges et de dangers. Qu’elles sont magnifiques et qu’ils peuvent en être fiers. Sereinement. »
Nous emploierons ici le terme de zèbre, qui nous tient à cœur. C’est pour cela que KidZ et Family s’écrit avec un Z, c’était notre clin d’œil pour ces enfants qui nous passionnent tant.
Comment mesurer le quotient intellectuel (QI)
Il existe des échelles standardisées en fonction des âges : ce sont les tests statistiques de Wechsler.
- WPPSI-IV pour les enfants de 2 ans 7 mois à 7 ans 7 mois.
- WISC V (Wechsler Intelligence Scale for Children) pour les enfants de 6 ans à 16 ans et 10 mois.
- WAIS IV pour les adultes à partir de 16 ans et jusqu’à 79 ans et 10 mois .
Calcul du QI : Pour que le test soit valable, il doit avoir été entièrement passé, dans les conditions standardisées prévues par un psychologue clinicien ou un neuropsychologue. Un QI évalué seulement sur une partie des items du test n’a pas de valeur. D’autre part il faut passer les versions actuelles des tests, si vous passez une version antérieure celle-ci n’a pas de valeur, car les tests sont refaits tous les 10 ans environ pour s’adapter aux changements de la société.
Lorsque le quotient intellectuel total est supérieur ou égal à 130 on parle de surdouement.
Les principales caractéristiques des zèbres
Loin des idées reçues ce ne sont pas des enfants pour qui tout est plus facile, il peut s’agir d’enfants fragiles et pour lesquels leurs différences peuvent les rendre plus vulnérables. Les identifier le plus tôt possible permettra de mieux les comprendre et mieux les accompagner. Les enfants HPI sont tous différents et ne présentent pas nécessairement toutes ces caractéristiques.
Ce qui revient très régulièrement est ce qu’on appelle la dyssynchronie, c’est-à-dire la différence des rythmes de développement entre ce qui relève d’une part de l’intellect, puis du relationnel et de l’affectif d’autre part. Majoritairement les enfants précoces sont en avance sur l’intellect, et normaux, voir avec un léger retard sur le plan affectif et relationnel. Ce sont des enfants qui peuvent avoir des réflexions « d’adultes » sur certains sujets, et en même temps avoir des comportements de « bébé » sur des choses du quotidien. Ce décalage peut surprendre les parents, on a tendance à les traiter comme plus grands qu’ils ne le sont en réalité.
Ce sont des enfants très sensibles au niveau émotionnel et affectif. Parfois certains enfants vont tenter de dissimuler cette hypersensibilité, mais elle est bien présente. Pour d’autres cela va être au premier plan. Ils sentent également les choses, les humeurs, la tristesse ou la gaieté de leur entourage, ce sont des éponges à émotions. Ils ont également tous les sens en éveil : toucher, audition, odorat, goût, vue. Par exemple ils sont sensibles aux matières et détestent ce qui gratte. Cela est vrai dès la naissance, les parents rapportent souvent un regard particulièrement intense chez leur bébé.
Très souvent ces enfants se sentent touchés ou blessés par des paroles ou des situations. Cette susceptibilité peut souvent entraîner de vives colères et des réactions impulsives. Cela peut paraître disproportionné à la personne qui se trouve en face, mais il faudra aider l’enfant à expliquer son ressenti, une fois la colère passée.
Ce sont des enfants qui ne parlent pas forcément plus tôt que la moyenne. Mais lorsqu’ils parlent le langage est très rapidement élaboré, construit et avec un vocabulaire riche.
Les zèbres sont curieux de tout, aiment poser des questions, et comprendre le pourquoi du comment. Il ne faut pas hésiter à nourrir leur curiosité, chercher les réponses avec eux, même si leurs préoccupations ne semblent pas de leur âge. Ils ont une conscience assez jeune de la réalité du monde, de la mort et sont très lucides.
Très souvent ce sont des enfants perfectionnistes, ce qui peut les rendre plus lents à exécuter une tâche. S’ils n’y parviennent pas comme ils le souhaiteraient ils peuvent abandonner car ils détestent les efforts vains. Ils n’aiment pas la médiocrité, ils fonctionnent en tout ou rien.
Assez jeune, ce sont des enfants qui sont capables d’avoir de l’humour et du second degré dans leurs réflexions. Ils observent finement leur entourage et arrivent à distancier les choses ou les situations grâce à l’humour. Parfois cela peut être mal perçu car ils peuvent être cyniques très jeune, cela se confond avec de l’insolence.
L’enfant zèbre apprend et comprend vite, il a une excellente mémoire. La contrepartie étant que dès qu’il se retrouve face à une difficulté et qu’il n’y arrive pas rapidement, il baisse vite les bras. C’est souvent dans ce cas que des difficultés peuvent poindre à l’école. Le cas le plus fréquent étant l’apprentissage de l’écriture. Ils n’arrivent pas à écrire aussi vite qu’ils pensent. Ils réalisent en classe de CP que d’écrire correctement va leur prendre du temps et cela les décourage.
Les enfants zèbres ne supportent pas l’ennui. Dès qu’ils ne sont pas intéressés ou stimulés par quelque chose ils décrochent vite et partent dans leurs pensées. Certains souffrent d’un trouble déficitaire de l’attention, d’autres pas. Mais la capacité à se disperser rapidement est souvent présente, on trouve également l’incapacité à les faire décrocher d’une activité dans laquelle ils sont profondément plongés.
Cet esprit critique, cette faculté de percevoir la faille dans une situation ou chez une personne, peut souvent être perçu comme de l’insolence. Ce n’est pas le cas, ils ont cette finesse de savoir pointer avec justesse les situations ou paroles défaillantes et ne se privent pas pour le verbaliser. Leur extra lucidité sur les choses ou les personnes peut être perçue comme du cynisme. Ils ont une audace intellectuelle et sont souvent anti conformistes. L’enfant zèbre voit les êtres humains comme tous égaux et ne comprend pas la lecture verticale de la hiérarchie, les parents/enseignants ne sont pas à ses yeux plus importants qu’un enfant ou même un animal.
Les zèbres ne raisonnent pas comme les autres, ils montrent un fonctionnement cognitif différent, avec en particulier un développement plus poussé de la pensée abstraite, une approche globale et intuitive des situations.
Ce sentiment peut les pénaliser dans leurs relations avec leurs pairs, car ils peuvent être perçus comme dérangeants par des camarades de classe ou des enseignants. Souvent ils préfèrent la compagnie d’enfants plus âgés ou d’adultes.
Ils ont de très fortes capacités d’expressions syntaxiques, mais ne sont pas toujours très forts en communication.
Leur pensée n’est pas linéaire, mais analyse toutes les possibilités en même temps. L’école privilégie une pensée séquentielle d’où la difficulté pour eux parfois. Chaque pensée, concept va se diviser et se subdiviser en de nouvelles idées.
Ce sont des enfants qui sont connectés sur les émotions des autres. Ils ont de l’empathie pour les personnes délaissés, injustement traitées ou jugées, ils iront plus facilement jouer avec un enfant handicapé ou différent (comme eux).
Les zèbres vont très souvent dire « ce n’est pas juste ». Ils ont une aversion pour ce qui leur semble injuste, que cela soit vis-à-vis d’eux-mêmes ou des autres. Ils parviennent à respecter les règles et règlements, mais ont tout de même besoin d’en discuter la validité ou la pertinence et ne supportent pas d’obéir sans comprendre.
Toute situation ou émotion est décortiquée, et traitée intellectuellement. Cela donne souvent lieu à de longues négociations sur beaucoup de sujets. C’est souvent un des points qui est perçu comme fatigant par l’entourage familial ou scolaire. Finalement l’incertitude le déstabilise et l’inquiète, et c’est cela qu’il faut garder à l’esprit pour rester tolérant vis-à-vis d’eux.
Ils sont créatifs, doués en arts plastiques, musiques, et jeux complexes. Cette fibre artistique plaît à s’exprimer, car est souvent vécue comme un exutoire de leurs émotions.
Les troubles du comportement et difficultés au quotidien
Ce que l’on retrouve le plus souvent comme troubles du comportement :
- Les troubles du sommeil : difficultés d’endormissements, besoin de moins d’heures de sommeil. (phase plus longue de sommeil paradoxal)
- Instabilité psychomotrice
- Hyperactivité
- Troubles de l’humeur, tels que l’anxiété et la dépression
- L’échec scolaire
- Dévalorisation, haute conscience de ses limites
Difficultés au quotidien :
- Manque de méthode de travail
- Désordonnés (chambre en bazar, oublis d’affaires de classes)
- Accumulations de petits objets de différents domaines
- Défaut de planification
- Besoin de donner du sens à tout (école comme à la maison)
- Va souvent tester l’adulte, afin de s’assurer de la solidité du cadre et des limites posé par l’adulte. Comme ses pensées sont sans limites, pour contenir ses angoisses il a besoin d’être rassuré par un cadre familial
- Souvent ne parviennent pas à expliquer leur raisonnement. Pour cela qu’au collège cela peut poser problème car ont du mal à expliciter leur méthode, bien que le résultat soit correct
- Tendance à peu se remettre en question
- Changent souvent de centres d’intérêts
- Mode de pensée et de compréhension différente des autres, ce qui peut entraîner un défaut d’anticipation, l’enfant zèbre ne sait pas toujours ce que vous attendez de lui (même si cela peut paraître évident à l’adulte) et ne peut donc pas s’y préparer
- Faible tolérance à la frustration
Les zèbres et l’école
Il se dit que 50% environ se retrouvent en situation d’échec scolaire à 14 ans (3ème).
Très souvent des parents nous font part de leurs désarrois face à des réponses inadaptées du système scolaire. Les zèbres ne sont pas toujours bien connus, repérés, ni la particularité de leur fonctionnement. L’idée reçue que s’ils sont doués, alors ils devraient être excellents à l’école perdure encore parfois. Alors que certains développent des phobies scolaires.
Certains zèbres adorent l’école et s’y adaptent très bien, mais pour d’autres cela peut s’avérer plus compliqué.
On peut constater ces différents points :
- Des résultats irréguliers : cela dépendra de l’investissement dans certaines matières, ou de l’affection portée à la maîtresse
- Peut beaucoup participer en classe de manière intempestive, ou alors être replié sur lui-même
- Donner des réponses hors sujets, ou alors dire qu’il ne sait pas, alors que la notion est intégrée. Ce qui peut donner l’impression à l’enseignant que l’enfant se moque de lui
- S’expriment très bien à l’oral, mais produisent des écrits peu soignés
- Tendance au bavardage, à s’agiter sur sa chaise, regarder par la fenêtre, aimer dissiper la classe. Mais tout en faisant cela l’enfant parvient tout à fait à suivre comprendre et écouter ce qui se passe en classe
- Difficultés à expliquer le cheminement pour obtenir ses résultats
- Sollicitations nombreuses auprès de la maîtresse
- Oubli souvent ses cahiers, ses stylos. Manque de soin et d’organisation
- Sont productifs lorsqu’ils sont concentrés sur plusieurs choses à la fois
Conclusion : quelle chance d’avoir un petit zèbre
Vous l’aurez compris, avoir un zèbre à la maison n’est pas de tout repos. Cela va vous demander de l’énergie pour qu’il puisse s’épanouir et être un enfant puis un adulte heureux.
Plus vous apprendrez à connaître leur fonctionnement, leur spécificité, plus vous aurez les bonnes clés. Ils sont différents, mais quelle richesse !
Ces enfants vont vous faire passer par des ascenseurs émotionnels, en l’espace d’une minute ils vont réussir à vous rendre chèvre, puis vous faire fondre littéralement. N’oubliez jamais que s’ils peuvent provoquer de la colère chez leurs parents, c’est exactement le contraire qu’ils cherchent à provoquer, et cela les attriste.
Il faut donc se réjouir d’avoir un enfant différent, qui a de multiples possibilités.